Consommation : l'application d'une loi fleuve
Près de trois ans après l’adoption de la loi Hamon, les consommateurs français sont-ils mieux protégés des abus, plus libres et éclairés dans leur choix ? Analyse de Jérôme Julien auteur d’un ouvrage de référence sur le droit de la consommation.
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La loi Hamon a bénéficié d’un processus législatif rapide. Entre les annonces ministérielles au printemps 2013, un an après l’arrivée au pouvoir du gouvernement Ayrault, et le vote de la loi elle-même, au printemps 2014, une année à peine s’est écoulée. Un délai très court compte tenu de l’ampleur et de la nouveauté de certaines dispositions d’une loi dont l’ambition affichée était de réformer en profondeur le droit de la consommation.

Qualifiée de « loi fleuve » en référence aux 161 articles qu’elle comporte, elle embrasse beaucoup d’aspects et définit pour la première fois, de manière légale, la notion de consommateur, un élément qui faisait cruellement défaut. L’esprit de cette loi est précisément de mieux informer les consommateurs et donc de les protéger des abus au quotidien.

« Fait maison »

Parmi les dispositions phares, certaines ont été particulièrement médiatisées. C’est le cas de l’action de groupe qui permet aux consommateurs d’engager une action collective contre un professionnel. La loi garantit aussi une meilleure protection à ceux qui achètent à distance, avec un droit de rétractation de 14 jours contre 7 auparavant à partir de la livraison.

Dans les restaurants, la mention « fait maison » a par ailleurs été créée pour différencier les recettes maisons de la cuisine industrielle. Une liste d’opposition au démarchage téléphonique a aussi été mise au point. Enfin, il devient plus facile de dénoncer son contrat d’assurance. Il n’est plus indispensable de le faire dans le mois précédant la date anniversaire du contrat, faute de quoi jusqu’à présent le consommateur devait patienter un an de plus.

Achat des lunettes en ligne

Près de trois ans après le vote de la loi, que peut-on dire aujourd’hui quant à son application ? La publication des décrets s’est étalée dans le temps en raison de l’ampleur du texte. Concernant les actions de groupe par exemple, les décrets ont été publiés 6 mois après le vote de la loi, pour une entrée en vigueur le 1er octobre 2014. Les délais ont été plus longs dans d’autres secteurs comme l’optique. Le décret permettant d’acheter ses lunettes en ligne avec le concours d’un opticien lunetier est entré en vigueur le 1er novembre 2015, soit deux ans après les annonces ministérielles.

L’examen de la jurisprudence, autrement dit des décisions de justice rendues suite à l’adoption d’une nouvelle loi, permet parfois d’évaluer son application et ses limites. Sur ce plan, la loi Hamon n’a pas à ce jour donné lieu à beaucoup de contentieux. Mais cela ne signifie pas qu’elle n’a pas modifié les règles du jeu de manière efficace. La création d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique en est un bon exemple.

Une dizaine d’actions collectives

Dans la restauration, la loi n’a pas non plus provoqué de contentieux car elle a en réalité renforcé les pouvoirs des agents de la répression des fraudes, grâce à un nouveau type de sanctions, les amendes administratives, imposées au terme d’une procédure administrative contradictoire.

En matière de consommation, compte tenu du montant des litiges, il faut savoir par ailleurs que la plupart des gens hésitent à attaquer en justice. C’est pour cette raison précisément que les actions de groupes ont été créées. L’action lancée contre un grand réseau d’agences immobilières pour facturation indue d’envoi des quittances, illustre parfaitement l’apport de la nouvelle loi. Mais à ce jour, sur la dizaine d’actions collectives en cours, aucune n’est encore arrivée à son terme.

La France en pointe

Au final, cette loi balaye un très grand nombre de secteurs et va globalement dans le sens d’une meilleure information. Même si elle ne couvre pas tous les aspects de la vie d’un consommateur, on peut considérer qu’elle protège efficacement ses droits.

D’ailleurs, en matière de protection du consommateur, la France est aujourd’hui plutôt en pointe. Lorsqu’on transpose les directives de l’Union Européenne, le seuil de protection des consommateurs français est parfois abaissé.

 

Jérôme Julien

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Professeur agrégé des facultés de droit à l’Université Toulouse Capitole, Jérôme Julien est directeur adjoint de l’Institut de Droit Privé.

Il dirige le Master mention Droit privé fondamental.

Ses thèmes de recherche concernent le droit de la consommation, mais également le droit de la responsabilité civile et le droit des contrats.


 

Une meilleure protection

Depuis juillet 2016, un nouveau code de la consommation améliore la lisibilité d’un droit très évolutif. Après la loi Hamont, une nouvelle avancée conséquente pour les consommateurs.

 


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